26 mai 2016

La revue “Faire face” a chroniqué Là-Haut (Thierry Ledru)

« Récit poignant d'une reconstruction »
La revue “Faire Face”, éditée par l'association des paralysés de France, a rendu compte du livre de Thierry Ledru, Là-Haut, dans son numéro 741 de janvier-février 2016.

18 mai 2016

La saga “Silo”, de Hugh Howey


C'est grâce à mon “libraire de proximité”, Pierre, que j'ai découvert la saga de Hugh Howey. Qu'il en soit remercié ! Une lecture ensorcelante, en dépit des quelque 1500 pages que totalisent les trois tomes : Silo (Livre de Poche n°33998), Silo Origines (Babel n°1352) et Silo Générations (Babel n°1391).

Dans le premier volume, nous découvrons la vie de quelques milliers de survivants de l'espèce humaine, regroupés dans un gigantesque silo souterrain de 144 niveaux. Nous sommes aux alentours de l'an 2300. Hors de question de tenter de sortir, au risque de mourir en quelques minutes, victime d'un air devenu toxique trois siècles auparavant – sauf pour les condamnés à mort, expulsés via un sas.

Dans le second volume, l'auteur combine avec adresse un long retour en arrière aux origines, en l'an 2049, avec la suite des aventures des habitants du silo du premier volume. Une astuce de scénario, bien trouvée, permet de relier les deux récits en fin de course.

Dans le troisième et dernier volume, nous nous retrouvons à la fin du premier… avant la chute finale.
Une lecture haletante, des personnages attachants – ou révoltants, une construction sophistiquée, un suspense indéniable… Des nuits courtes en perspective, soyez prévenus !

La note de l'éditeur
Déformation professionnelle ? En tant qu'éditeur, nous sommes attachés à ce que les tenants et les aboutissants d'une intrigue, a fortiori d'anticipation, soit claires et solides. Une préoccupation permanente lors des lectures de tapuscrits et des révisions des textes des romans édités. Je dois avouer être resté perplexe en refermant la page 470 du tome 3. Tous les morceaux du puzzle n'étaient pas proprement assemblés…

Des recherches sur le Web ne m'ayant pas donné plus d'informations, je me permets donc de résumer ci-après ce que j'ai compris (et pas compris), espérant que des internautes m'aideront à combler les “trous” de ce gruyère. Je mettrai à jour le texte au fur et à mesure de la réception des contributions.

                                             AVERTISSEMENT !                                          
   
                         SI VOUS SOUHAITEZ LIRE LA SAGA,                            
    NE CONSULTEZ DONC SURTOUT PAS LA SUITE DE CE BILLET !     

En 2049, une guerre invisible ravage la Terre. Des nanomachines, destinées à soigner les corps humains en les “réparant” à l'échelle microscopique, ont été transformées en armes mortelles par des nations agressives. Puis elles ont échappé à leurs concepteurs et se sont répandues anarchiquement.
Le gouvernement américain prend une décision : enterrer dans des silos souterrains étanches une colonie d'êtres humains, en leur fournissant tout ce dont ils auront besoin pour survivre quelque cinq siècles. 39 silos, rassemblant chacun 3000 personnes. Le quarantième, qui porte le numéro 1, est réservé aux organisateurs, sorte de gouvernement, dont les membres alternent de longues périodes de vie ralentie (congélation) et des “factions” durant lesquelles ils assurent la coordination des silos. Ce faisant, ils vieillissent peu, capables de “vivre” jusqu'au terme du processus.
Les contrevenants à la Loi édictée par les instigateurs du processus sont condamnés à mort en étant “expulsés” de leur silo par un sas étanche, et meurent quelques minutes plus tard sous les caméras retransmettant aux habitants le drame, victimes de l'atmosphère toxique. Il semble bien que la totalité de l'espèce humaine ait disparu de la surface de la planète (on ne dit rien des animaux en revanche).
Chaque silo se croit unique au monde. Seul son chef est initié à la vérité (partielle !) et reçoit des ordres du silo n°1. Nous suivons dans les trois tomes les tribulations d'un silo particulier, le 18, dont Juliette, qui en prend le contrôle, parvient progressivement à comprendre ce qui se produit en réalité, en particulier en tentant une sortie avec un scaphandre sécurisé, dont elle revient indemne.
Au terme de moult aventures, Juliette découvre des excavatrices – sortes de tunneliers – installés en lisière de l'armature des silos, dont elle se sert pour passer dans le silo 17, désaffecté quelques décennies auparavant. Il apparaît que ces excavatrices étaient pointées en direction d'une “sortie”, signalée par une tour renfermant des outils en vue d'une réinstallation à la surface de la Terre.
Le projet du silo n°1 est finalement réduit à néant. Leur but ultime était de sélectionner la population d'un unique silo – la meilleure, en quelque sorte – et de supprimer celle de tous les autres.
Juliette parvient alors à regagner la surface de la Terre, ayant compris que les nanomachines n'étaient plus actives depuis… longtemps (combien de temps ?), et ce avant le terme primitivement prévu pour l'expérience (soit en 2300 environ au lieu de 2500). Il semblerait que la nocivité de l'air extérieur était en réalité “simulée” par l'envoi d'un gaz toxique via le sas de sortie, voire par un nuage limité aux seuls emplacements des sorties des 40 silos (?).
Ce qu'on ne sait pas, en revanche, c'est ce que deviendront les habitants des autres silos, privés de leurs “gouvernants”. Trouveront-ils la sortie ? Et quel était exactement le dessein primitif des instigateurs ? Les nanomachines étaient-elles destinées à disparaître progressivement au cours des siècles, comment et pourquoi ?
Nous avons certainement oublié tel ou tel indice parmi ceux qui sont parcimonieusement distillés tout au long de ces 1500 pages.
Chères lectrices, chers lecteurs, nous voici preneurs de vos suggestions, remarques et éclaircissements !

08 mai 2016

Le Mystère Henri Pick, de David Foenkinos

De David Foenkinos, nous avions lu Lennon, une fiction étonnante de vraisemblance et d'intelligence, surtout pour ceux qui sont familiers avec l'univers des Beatles.
Le Mystère Henri Pick nous a attiré par son intrigue qui se déroule dans le milieu de l'édition. Allions-nous y apprendre les secrets du succès ? Presque…

Tout commence dans une bibliothèque dont le responsable crée un rayon de “livres refusés” par les éditeurs. Foenkinos a repris l'idée de Richard Brautigan, auquel il rend hommage en introduction.
Une éditrice spécialisée dans les best-sellers y découvre la perle rare : un chef d'œuvre, signé Henri Pick, pizzaiolo de son état, avant qu'il ne décède quelques années auparavant. Nous suivons alors l'épopée de ce qui devient un livre à succès, influant de façon décisive sur les destins de tous les protagonistes de l'histoire. Jusqu'à la chute finale…

Le suspense est bien mené. La galerie de personnage se succède, chacun à son tour, dans de brefs chapitres. L'humour règne dans ce qui se révèle une satire assez savoureuse du monde du livre et de l'édition.
Il faudra attendre le double coup de théâtre de la fin du roman pour que le mystère s'éclaircisse. Bien joué ! se dit-on en refermant le livre, avec cependant un petit regret : c'est tout de même un peu “téléphoné”, selon l'expression consacrée.

La note de l'éditeur
Une chose est sûre : les manuscrits “refusés” cachent sûrement des chefs d'œuvres. Aux éditions AO, nous en recevons pas loin d'une cinquantaine par an, de qualité variable. Ce qui manquera toujours à un manuscrit non relu, ce sont les ajustements, révisions et réglages que l'éditeur se doit de conseiller à l'auteur. D'ailleurs, la “bibliothèque des manuscrits refusés” existe désormais sur le Web, par exemple chez ces pseudo-éditeurs qui publient tout ce qu'on leur propose en e-book ou en impression à la demande. Ce parti de “non-sélection” ne milite pas en faveur de la qualité ! Amazon en a même fait un slogan, en substance : “Publiez tous vos manuscrits chez nous, le public fera le tri”. C'est, à notre avis, une mauvaise solution. Certes, des textes sont ainsi remarqués par de vrais éditeurs, qui les publient ensuite en version revue et corrigée (on songe à la saga “Silo” de Hugh Howey), mais la plupart se “brûlent” en étant publiés prématurément, comme s'il s'agissait de simples brouillons. C'est dommage ! On retrouve là le problème de l'édition à compte d'auteur sous une variante guère plus honnête.

La note du relecteur
La marque de fabrique typographique de Foenkinos, ce sont les “tirets-points de suspension”, placés dans les dialogues lorsque l'un des personnages… ne dit rien. Il en use et en abuse. Probablement une centaine dans ce roman ! Si l'astuce est adaptée dans certains contextes – un personnage reste muet de surprise avant que l'autre ne reprenne la parole – il est superflu dans d'autres, en particulier quand il ne s'agit que de la fin de la conversation.
Exemple (fictif) :
Isabelle lui demanda :
« Jean, tu es d'accord, c'est un chef-d'œuvre ?
– …
– Allons, dis quelque chose, bon sang !
– …
– Décidément, tu n'as rien à dire.
– … »
On pourrait ajouter une second — … pour exprimer la lassitude d'Isabelle, et un troisième pour confirmer que Jean ne réagit toujours pas. Infini ! Le procédé économise de la place, évitant à l'auteur de décrire l'absence de réaction, dans le registre : “Jean ne répondit rien” ou “Isabelle ne sut que répondre”. Son abus finit par lasser… Ce n'est qu'un défaut mineur, cependant, n'exagérons rien !

01 mai 2016

Dans les coulisses de la lutte antiterroriste, de Georges Moréas

Comment lutter contre le terrorisme ? Le dernier livre de Georges Moréas nous fait prendre conscience de la complexité de la question. S'extirper de l'instantané, de l'actualité, pour une remise en perspective sur plusieurs décennies, est salutaire. En tant que lecteur, je n'avais pas mesuré l'ampleur des changements induits par les récents drames. Ce livre m'a permis de reconsidérer nombre de points, non sans une réelle surprise. Que nous avons la mémoire courte, songeons-nous en lisant ces pages…

L'auteur n'hésite pas à donner son point de vue, avec pondération et recul, voire avec humour, ce qui le rend d'autant plus instructif. Agrémenté de témoignages des nombreuses relations qu'il a gardées dans le milieu policier, Dans les coulisses de la lutte antiterroriste se lit comme un polar – c'est le talent de Georges Moréas – même quand il nous initie aux arcanes organisationnelles. La police ? L'armée ? Qui fait quoi, et surtout pourquoi ? Que d'évolutions…
La complexité du terrorisme, aussi, nous est rappelée, à rebours des simplifications inévitables que les médias, dans l'urgence, adoptent. Tout cela est diablement compliqué ! L'intrication des relations internationales, les visages multiples des “terroristes”, les “billards à (trop) nombreuses bandes”, quel jeu pervers !

2061 ?


Ci-dessus : Georges Moréas sur BFM-TV le 27 avril 2016.

Au détour de ces pages, quelques considérations font froid dans le dos. Je dois dire que j'ignorais que 1984, le titre du roman d'Orwell, était l'anagramme de 1948, année de son écriture. « En 2016, aucun Orwell n'est capable d'écrire “2061” », conclut, lapidaire, Georges Moréas (page 213), après nous avoir donné un aperçu de ce qui nous attend, les nouvelles technologies comme détecteur de mensonge, au sens (très) large du terme:
Et si un autre algorithme le décide, un groupe d'interventions d'agents déshumanisés, mi-flics mi-soldats, […] vous mettra le grappin dessus pour vous conduire dans un lieu de détention préventive, où vous serez cuisiné sans aucune violence. Dans le respect des droits de l'homme, un ordinateur couplé à un appareil d'imagerie médicale procédera à votre audition*. À chaque réponse, les zones de votre cerveau seront analysées pour déterminer si vous dites la vérité. Si la machine estime que ce n'est pas le cas, et quel que soit votre mensonge, la société vous écartera – pour se protéger.
D'où l'ultime phrase du livre, concluant sur le bilan mitigé de la lutte antiterroriste :
Et comme malgré tout les résultats ne sont pas au rendez-vous, à mon avis, il y a encore un truc à essayer : réfléchir.
En tout cas, merci, Georges Moréas, de nous y avoir aidé !

Dans les coulisses de la lutte antiterroriste. De la rue des Rosiers à l'état d'urgence, First, 2016, 280 pages, (ISBN 978-2-7540-8188-7)

* Certaines appli de smartphones, couplées à un bracelet connecté, y ressemblent déjà, en mesurant la tension artérielle par exemple. Encore ludiques, elles pourraient trouver d'autres emplois…